M2 : La pédagogie Freinet dans le second degré...
En 2010-2011, j'ai fait les recherches pour un master 2 de sciences de l'éducation sur l'utilisation de la PF dans le second degré dans les établissements traditionnels, une question qui m'intrigait fort...
j'aitrouvé ma réponse... Mais avoue ne pas avoir eu le temps/le courage de la rédiger et comme personne ne l'a regretté, ni mes proches, ni mon directeur ni..., je ne l'ai pas soutenu !
Toutefois, je peux partager l'article que j'ai écrit pour un numéro du nouvel éducateur sur la PF aujourd'hui (juin 2011) et qui résumé bien mes réponses...
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Pratiques Freinet dans le second degré ordinaire : pédagogie ou façon d'être?
Professeur d'histoire-géo dans un collège qui pourrait être en ZEP, j'ai découvert la pédagogie Freinet
il y a quatre ans... En cherchant des solutions au malaise scolaire de ma fille ! Cette quête personnelle a
transformé ma pratique professionnelle : adieu cours magistral et dictée de leçons, notes sur 20 et
surveillance policière ! Mais ceci n'est pas l'objet de cet article. En effet, depuis septembre, j'ai
souhaité mettre de l'ordre dans ce que j'avais découvert et essayé, éclaircir mes idées... Et dans ce but,
je me suis inscrite en master 2 en sciences de l'éducation (anciennement DEA) avec comme sujet
d'études... Vous l'aurez deviné, la pédagogie Freinet dans le second degré !
En effet, la transposition de la pédagogie Freinet dans le second degré n'avait, pour moi, rien d'évident
: chaque professeur de collège ou lycée ne représente qu'au mieux un huitième de la vie scolaire de son
élève. Il ne dispose, de plus, que d'une liberté d'organisation et d'action et d'un temps restreints. De ce
fait, l'application de la pédagogie Freinet est forcément redéfinie : comment? Quelles sont les
pratiques réelles mises sous l'étiquette pédagogie Freinet au second degré ? Les pratiques Freinet
dans le second degré relèvent-elles de la pédagogie, qu'elle soit Freinet ou autre? Ou bien
d'une façon d'être et de penser son métier?
La matière à étudier s'est très vite avérée foisonnante, notamment dans la presse produite par l'ICEM
et j'ai dû limiter mon champ de recherche. Par commodité et surtout par intérêt, j'ai privilégié l'étude
des pratiques décrites dans les mails de la liste freinet second degré dont je suis membre depuis
longtemps et qui m'a beaucoup appris. Je remercie d'ailleurs chaleureusement mes colistiers pour
l'accueil qu'ils m'ont toujours réservé et pour leur aide. Mais, je dois d'ores et déjà vous dire que ce
travail n'est pas terminé à l'heure où j'écris ces lignes ; il s'agit donc surtout d'hypothèses qu'il me
faudra confirmer avant ma soutenance en septembre, je pense !
Mon premier axe de recherche a été de parvenir à trouver des indicateurs pour identifier la pédagogie
Freinet ; comment savoir si telle pratique est Freinet? Et, plus difficile, comment déterminer si tel
fonctionnement de classe est bien de la pédagogie Freinet ? Car, comme l'écrit H. Peyronie (Peyronie,
1999), « La pédagogie Freinet ne se réduit pas à une juxtaposition accumulée de techniques :
matérialisme pédagogique oblige, celles-ci sont nécessaires ; elles ne suffisent cependant pas à faire
vivre une pratique alternative de l'éducation, de la socialisation et des apprentissages en milieu
scolaire. »
Pour ce faire, j'ai effectué une première série de lectures exploratoires qui m'ont permis de construire
la carte heuristique mise en illustration.
Les emprunts bibliographiques sont signalés par des numéros
selon le code suivant :
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Le 1 signale des citations de l'article L. LESCOUARCH : Spécificité actuelle d'une approche
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alternative : la pédagogie Freinet dans la revue spirale (Brassart, Casanova, et Legrand, 2010) ;
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le 2 correspond à des citations de S. CONNAC : Freinet, Profit, Oury, Collot : quelles
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différences? Dans la même revue ;
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le 3 reprend des idées de A-M JOVENET : La pédagogie Freinet en milieu populaire : effet sur
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l'individu ou le collectif? Dans la revue sus-citée.
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Le 4 reprend les arguments de M. Fabre (Peyronie, 2000)
-
le 5 renvoie à l'ouvrage de H. Peyronie (Peyronie, 1999).
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et le 6 renvoie à l'article en ligne d'Olivier Francomme « le tatonnement expérimental » (Olivier Francomme, 2004)
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les techniques propres à la pédagogie Freinet sont signalées en gras et italiques ; la liste n'et pas
-
exhaustive et elles sont mises en lien avec leurs objectifs.
La pédagogie Freinet serait donc reconnaissable, par delà l'introduction de certaines techniques, à cinq
grands indicateurs :
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l'adhésion à des valeurs héritées de l'idéologie politique de Célestin Freinet, qui mettent en avant
-
l'égalité entre tous les acteurs de l'école.
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l'importance donnée à la coopération, garante de cette égalité et moyen de la démocratie,
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notamment entre adultes.
-
la pratique du tâtonnement expérimental qui postule que tout peut s'apprendre par le processus
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d'hypothèse /essai / erreur et réadaptation
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la pratique de la méthode naturelle qui pose les désirs et besoins de l'enfant comme moteur des
-
apprentissages
-
et enfin la part accordée à la libre expression des enfants et donc à leur créativité.
Dès lors, il devient possible de préciser le degré de mise en place de la pédagogie Freinet en vérifiant
la présence de ces indicateurs dans les pratiques décrites dans mon corpus. Pour cela, j'ai réalisé une
analyse de contenus des mails et un questionnaire dont je peux vous livrer les conclusions partielles.
La coopération et l'ouverture de la classe semblent les deux axes les plus représentés avec bien sûr le
conseil qui est fréquemment mis en place et la rédaction de textes pour des blogs, journaux ou
correspondants. L'expression libre a aussi une place importante grâce aux trois minutes ou au texte
libre et la méthode naturelle trouve une expression par le biais du plan de travail individualisé, mais
c'est plus rare. C'est finalement le tâtonnement expérimental qui semble le moins pratiqué : seule la
recherche documentaire est citée et assez peu. De manière générale, rares sont les enseignants du
second degré de mon corpus qui réussissent à faire vivre ces 5 axes de façon égale et donc à instaurer
une « vraie » pédagogie Freinet.
En revanche, j'ai aussi relevé des traces d'autres pédagogies alternatives. Parmi les pédagogies
alternatives connues par les membres, celles de Maria Montessori et Rudolf Steiner arrivent en tête,
sans surprise mais au mépris de l'histoire, suivies par celles diffusées par le CRAP et le GFEN.
Toutefois, presque la moitié des témoignages mentionnent une connaissance assez approximative, tout
comme d'ailleurs des écrits de Freinet. Par contre, les pédagogies alternatives utilisées en classe sont
beaucoup plus rares : cinq témoins disent ne pas en utiliser mais les autres peinent à les identifier. Le
travail de groupe est souvent mentionné ici et finalement, l'attitude générale est bien exprimée par ce
témoin qui dit « Je prends tout ce qui répond à mes attentes. »
Mon hypothèse est dès lors la suivante : les techniques Freinet sont un outil parmi d'autres dans une
recherche permanente d'efficacité professionnelle. Je pourrai représenter ainsi la dynamique entre
indicateurs Freinet et indicateurs autres
En hachure horizontale, on trouve le profil des professeurs les plus traditionnels, ceux qui transmettent
un savoir de façon verticale : peu d'indicateurs de pédagogies alternatives quelles qu'elles soient. Ils
sont quasiment absents sur la liste, bien sûr !
En noir, est symbolisé le profil des « vrais »praticiens Freinet qui parviennent à mettre en place
suffisamment de techniques pour faire vivre la théorie. Certains membres de la liste ont ce profil mais
ils sont très peu nombreux. Ainsi, l'un des sondés répond : « je connais très peu d'autres pédagogies
alternatives : Freinet a tout dit. »
L'essentiel des contributeurs a donc le profil en hachure oblique : ils font la synthèse de techniques
Freinet avec des techniques issues d'autres pédagogies, au gré de leurs besoins et de leurs connaissances
et en quantité variable, sans toujours pouvoir identifier l'origine de leur inspiration. Ce sont des
praticiens-chercheurs ou ce qu'Etiennette Vellas (Vellas, 2008), appelle un « praticien théoricien qui
cherche à conjoindre savoirs, pratiques et valeurs à partir de sa propre action. Sa question de
recherche est : Comment faire (au) mieux ? Tâche de recherche de cohérence à la fois indispensable et
impossible à satisfaire en totalité. »
Ici, s'opère un basculement puisqu'il est clair que, ce qui caractérise une pédagogue, au delà des
pratiques, c'est réellement l'esprit dans lequel elles sont faites. Il faut donc s'intéresser aux
motivations et aux conceptions des membres de notre corpus.
Et c'est par là que les membres de la liste se révèle véritablement Freinet : dans leur façon de
considérer et de faire leur métier.
En effet, ils pratiquent le tâtonnement expérimental pour faire le moins mal possible, utilisant toutes
techniques efficaces ; dans le questionnaire, le premier attrait de la liste est l'échange d'idées et
d'expériences, puis le soutien et l'écoute bienvaillante et ensuite la coopération. Par conséquent, on peut
dire que beaucoup viennent chercher dans la liste et dans les groupes de l'ICEM une formation entre
pairs qu'ils n'ont jamais vécue ailleurs pour répondre au sentiment de faillite provoqué par
l'isomorphisme de formation (la tendance naturelle à enseigner comme on a été enseigné). La liste
Freinet second degré est un lieu d'auto-formation coopérative accompagnée, un endroit pour
coopérer dans le tâtonnement expérimental pédagogique et briser l'isolement.
Cette hypothèse est confirmée par les vecteurs de découverte de la pédagogie Freinet. Si le plus
important numériquement est le vécu personnel d'anciens élèves Freinet, la formation universitaire
arrive très loin derrière les lectures et les rencontres professionnelles, c'est-à-dire l'auto-formation
plus ou moins active. De même, en cas de difficulté professionnelle, la majorité des sondés se tourne vers
des collègues choisis parmi la liste ou les GD plutôt que vers des collègues de salle des profs. Le recours
aux élèves est aussi souvent mentionné.
La liste est donc un lieu de reconnaissance entre pairs, un lieu où l'on se sent reconnu et en sécurité, une
« philia » comme l'écrit J.M.Turban (Turban et Tessier, 2006)En effet, les membres de la liste
partagent un certain système de valeurs. Tout d'abord, ils se situent tous à gauche politiquement. Ils
sont en grande majorité engagés dans des associations, le plus souvent solidaires puis politiques ou
culturelles et enfin écologiques. Enfin, ils ont des systèmes de valeurs très proches où prédominent
l'autonomie et l'esprit critique d'une part, la tolérance et la bienvaillance d'autre part. Obéissance,
silence et discipline sont au contraire, massivement rejetés. La très grande majorité d'entre eux
s'investit énormément dans leur métier, qui est souvent décrit comme une passion. Ce profil, plus
peut-être que leurs utilisations de techniques, fait bien d'eux des enseignants Freinet qui partagent une
certaine image de leur métier et de son rôle social : « l'école du travail vrai pour tous »
En conclusion, la pédagogie Freinet dans le second degré classique et contraignant d'aujourd'hui, telle
que j'ai pu la saisir à travers la liste d'échanges Freinet second degré, c'est moins l'utilisation de
techniques particulières qu'un état d'esprit, une façon d'être et de faire son métier. Celle-ci se
caractérise par le tâtonnement expérimental pédagogique pouvant intégrer le recours à des pédagogies
alternatives autres, par le partage de valeurs communes d'autonomie et de bienvaillance et enfin par la
coopération entre adultes dans l'autoformation. Beaucoup de membres de la liste ne se pensent pas
comme de « vrais » praticiens Freinet car ils ne parviennent pas à instaurer un fonctionnement de classe
Freinet et en tirent un relatif complexe d'infériorité. Qu'ils se rassurent : ils sont profondément et
fondamentalement Freinet par leur conception du métier et par leur rapport à la formation, par leur
capacité à se remettre en cause, à tâtonner et à accepter l'insécurité que cela induit ! Quant à moi, cela
m'amène à m'interroger sur les rapports ambigus qu'entretiennent les enseignants avec leurs propres
formations, qu'elle soit initiale ou continue... Car force est de reconnaître que beaucoup de mes
collègues réels ne ressemblent pas à mes collègues virtuels de la liste et n'aiment pas apprendre sur leur
métier : un paradoxe qui deviendra peut-être un sujet de thèse...
C. GARCIA TORRECILLAS
Brassart D., Casanova R., Legrand G. Pédagogies alternatives. Quelles définitions, quels enjeux,quelles réalités? Lille : ARRED, 2010. (Spirale, 45)
Olivier Francomme. « Le tatonnement expérimental » 2004. Disponible sur : < http://idem6080.lautre.net/spip.php?article305 > (consulté le 16 avril 2011)
Peyronie H. Célestin Freinet : pédagogie et émancipation. Paris : Hachette éducation, 1999. 1
Peyronie H. Freinet, 70 ans après : une pédagogie du travail et de la dédicace ? : actes du colloque de Caen, , 23 octobre 1996. Caen : Presses universitaires de Caen, 2000. 161 p.
Turban J.-M. (1968-), Tessier G. Listes de diffusion pour enseignants du premier degré : une expérience sociale formative, combinaison des logiques de l’action (intégration, stratégie, subjectivation). Lille : Atelier national de reproduction des thèses, 2006.
Vellas E. « La mise en oeuvre des pédagogies actives et constructivistes ». Enjeux pédagogiques. 2008,. n°10, p. 21-23.
En fait, je me rends compte que mon début de rédaction apportait d'autres éléments de réponse, je vous les mettrais en ligne prochainement ; au moins, cela servira peut-être à quelqu'un un jour... Peut-être ne suis-je pas seule à m'intéresser à ces questions...
N'hésitez pas à laisser un commentaire si c'est votre cas !